A l'occasion de la press junket européenne de Seberg, le réalisateur Benedict Andrews mentionne longuement Kristen et ses partenaires Anthony Mackie et Jack O'Connell et la directrice de la photographie Rachel Morrison dans une interview avec Film Rezensionen. Il parle également du film, du tournage, des personnages ou encore du contexte historique et du mouvement des Black Panthers.
Traduction faite depuis l'allemand par le staff de KStew France. Merci de nous créditer avec LIEN si vous la reprenez ailleurs
Journaliste :
Qu'est-ce qui vous a intéressé ou inspiré dans l'histoire de Jean
Seberg ?
Benedict Andrews : Je me suis
intéressé à cette période de sa vie lorsque son succès en tant
qu'actrice, son engagement politique et sa vie amoureuse se sont
croisés. Jean était une personne très idéaliste qui a essayé
d'exprimer une cause juste, ce qui l'a finalement placée dans la
ligne de mire d'une grande écoute téléphonique du FBI. Cette
action l'a finalement brisée, sa vie privée a été gravement
perturbée, tout a été approuvé par l'Etat. D'une certaine façon,
c'était une découverte fascinante pour moi et un sujet très
complexe.
Journaliste :
De nos jours, de nombreuses célébrités utilisent leur popularité
pour exprimer leurs opinions politiques ou soutenir des mouvements.
Quelqu'un comme Jean Seberg serait-il traité différemment
aujourd'hui qu'il ne l'était dans les années 60 ?
Benedict
Andrews : Pour être honnête, je ne sais pas car mon film
est un exemple très spécifique dans un contexte très spécifique.
Bien sûr, aujourd'hui, les réseaux sociaux et Internet permettent à
de nombreuses célébrités d'exprimer leur opinion sur des questions
politiques, mais dans le cas de Seberg, nous avons également un
cadre sociopolitique très particulier. Parce que les mouvements
politiques politiques afro-américains au sein des médias grand
public ainsi que le FBI raciste étaient perçus comme une menace, il
est devenu une cible. Cela avait moins à voir avec la nature de son
engagement politique, qui, contrairement à celui de Jane Fonda, par
exemple, n'était en aucun cas si public. L'engagement de Jean était
principalement de nature privée et se reflétait dans ses dons pour
la Malcom X Foundation ou les Black Panthers.
Ce que je trouve si terrifiant dans leur histoire, c'est la façon dont la surveillance est dirigée contre une personne et la change, la conduit au bord du gouffre, et tout cela pour des raisons purement politiques. À cela s'ajoute la façon dont cette institution a utilisé la vie privée de la personne concernée comme une arme dirigée contre elle, l'a discréditée et a diffusé des 'fake news' à son sujet. Dans notre monde, nous vivons avec la réalité d'une guerre de l'information, qu'elle soit vraie ou fausse. Jean Seberg est, si vous voulez, l'une des premières victimes de cette guerre.
Journaliste :
En ce qui concerne Una et
Ray, un jour, vous avez déclaré que vous vous
intéressez aux personnages dont les expériences les rendent
étrangers à eux-mêmes. Comment cela pourrait-il s'appliquer aux
personnages de Against All Enemies ?
Benedict
Andrews : Si vous regardez un personnage comme Jean Seberg
dans mon film, vous pourriez dire que son expérience est similaire à
celle du personnage de Jack O'Connell. Les deux doivent affronter le
feu et dans le cas de Jean, cela entraîne la destruction ce qu'elle
considère comme la vérité et la réalité. C'est la conséquence
de la surveillance et des mensonges qui se répandent à leur sujet.
Elle est prise dans une spirale associée à des pertes personnelles
élevées.
Cette expérience lui donne une perception modifiée du monde, que l'on peut ressentir dans les derniers instants du film. Ensuite, elle n'est plus cette femme un peu naïve, très impulsive que nous avons rencontré au début du film. Des personnages comme Blanche DuBois dans Un Tramway Nommé Désir de Tennessee Williams ou King Lear, mais aussi des personnages comme Una et Ray doivent passer par cette douloureuse expérience pour ensuite arriver à une autre compréhension de leur monde. Ce processus est très complexe et pas réellement facile à définir.
Parallèlement à l'histoire de Jean, le personnage de Jack O'Connell connaît un développement similaire. Il passe d'un homme qui croit aux valeurs démocratiques et à l'intégrité morale du FBI à quelqu'un qui, en voyant ce qui arrive à Jean, voit à quel point ce système est corrompu. Parce que sa vérité, son monde, a aussi changé, il devient finalement un lanceur d'alerte, une personne qui s'est complètement émancipée de son personnage au début du film.
Journaliste :
La scène dans laquelle les personnages de Kristen Stewart et Anthony
Mackie répètent un dialogue à partir d'un scénario est très
belle, bien interprétée et mise en scène. Pouvez-vous nous dire
quelque chose sur la création de cette scène ou d'autres dont vous
être particulièrement fier ?
Benedict Andrews :
Dans cette scène, nous voulions montrer la vie de Jean en tant
qu'actrice d'une part, mais aussi faire la lumière sur sa liaison
avec Hakim (Anthony Mackie). Hakim a un aperçu de leur mode, mais
dans ce jeu de conversation qu'ils répètent, il a également une
idée de qui elle est et peut être. J'aime la façon dont Anthony
Mackie joue dans cette scène et le lieu, qui était incroyablement
beau. La scène qu'ils jouent tous les deux, c'est à dire celle du
scénario de fiction du film, se rapproche très étroitement d'une
scène du film de Seberg, La Kermesse de l'Ouest,
mais nous avons changé et un peu ajusté le dialogue pour le film.
En général, il y a beaucoup de choses dont je suis fier dans ce film. Cela inclut la subtilité de l'interprétation de Jack O'Connell et le portrait très courageux de Jean Seberg par Kristen Stewart. Une scène très excitante et dramatique que j'aime beaucoup est la fête d'anniversaire des enfants. D'une part, c'est une occasion heureuse, presque idyllique avec les nombreux enfants, le beau temps et le barbecue, mais ensuite, vous apprenez que Zazie Beetz, qui joue la femme de Hakim dans le film, connaît l'affaire et confronte avec Jean avec elle. Elle l'insulte en tant que touriste qui ne s'intéresse que superficiellement aux préoccupations des Noirs pour des raisons de prestige. En plus de la performance dans la scène, j'aime la façon dont la complexité des relations entre les personnages est montrée ici.
Un autre exemple de scène que j'aime est la séquence de Jean dans la piscine, alors que le processus de son déclin mental dû à la traque et à la surveillance est bien engagé. Sur le plan visuel, je trouve cette séquence belle et très complexe.
Journaliste :
Je trouve également intéressante la scène avec les personnages de
Jack O'Connell et Vince Vaughn, lorsqu'ils dînent tous les deux avec
leurs familles et que le persnnage de Vaughn a soudainement une
dispute très forte avec sa fille.
Benedict Andrews :
Cette scène montre à peu près le cauchemar
républicain-conservateur. [Rires] Le personnage de Vince est
quelqu'un qui mène quelque chose qui ressemble à une guerre avec
son fils et sa fille lorsqu'il parle de son fils rejoignant une
commune. En même temps, cette guerre est aussi celle qu'il mène
dans son travail : faire des Etats Unis un pays dominé par des
blancs, conservateurs, très masculins. Il s'agit d'un personnage qui
essaie de garder le contrôle, mais qui perd le contrôle.
De plus, la scène est intéressante car ici le FBI n'est plus perçu comme une simple machine ou une institution, mais en tant que spectateur, on a un aperçu de la vie privée des enquêteurs.
Il était important pour moi que chaque scène fasse référence à la relation entre Jean et Jack. Alors quand le personnage de Vince s'agace à la fin de la scène et demande à qui elle ressemble en regardant sa fille et sa coupe de cheveux courte, le film revient sur cette relation entre Jack et Jean.
Journaliste :
Pouvez-vous nous parler un peu de votre collaboration avec la
directrice de la photographie Rachel Morrison ?
Benedict
Andrews : L'une des décisions les plus importantes que nous
ayons prises concernant l'aspect du film était que nous voulions
utiliser de vrais appareils photo argentiques, pas des appareils
photo numériques. Même si nous devions nous contenter d'un budget
limité, nous voulions faire un film formellement similaire aux films
des années 60, mais aussi à ces thrillers conspirationnistes du
début des années 70, notamment les œuvres d'Alan J.Pakula (Klute,
Witness A Conspiracy, The Untouchables). En général,
il fallait trouver un langage visuel pour la surveillance, mais aussi
pour l'effondrement de Jean.
De plus, nous nous sommes entretenus très tôt avec notre directeur de la production Jahmin Assa pour trouver des endroits appropriés qui devraient être provocants et expressifs. Comme nous n'avions pas l'argent pour montrer une image détaillée de l'époque, nous nous sommes plutôt focalisés sur le drame intérieur des personnages et sur la façon dont les lieux et la caméra pouvaient l'exprimer.
Rachel a beaucoup aidé avec cela, car elle peut filmer des plans extrêmement beaux et puissants avec une caméra à la main, que vous pouvez voir dans ce film, mais aussi dans ses travaux antérieurs tels que Next Stop : Fruitvale Station de Ryan Coogler. Plus particulièrement dans la dernière partie du film, le passage des enregistrements initialement statiques à ces enregistrements de caméras portables agités mais très sensibles illustre le processus et la décomposition que traverse Jean. Le spectateur est, je pense, capable de mieux comprendre ce que vit Jean.
Journaliste : Merci pour cette super conversation.
Source: FilmRezensionen
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