A l'occasion de la press junket américaine de Personal Shopper, Olivier Assayas évoque Kristen, leur collaboration, leur première rencontre, leur amitié, l'intrigue du film ou encore le monde de la mode dans une interview avec Vulture.
Traduction faite par le staff de KStew France. Merci de nous créditer avec LIEN si vous la reprenez ailleurs
Le réalisateur de
Personal Shopper Olivier
Assayas à propos de l' 'énergie punk rock' de
Kristen Stewart
Kristen Stewart est peut
être l'une des actrices les plus connues à Hollywood, mais il y a
beaucoup plus pour elle que simplement sa célébrité. Cette
dichotomie fait d'elle la personne parfaite pour jouer Maureen,
l'héroïne du nouveau film qui file la chair de poule d'Olivier
Assayas, Personal Shopper. Alors que Maureen court à travers
tout Paris pour récupérer une kyrielle de belles tenues pour les
starlettes célèbres qu'elle habille, elle communique parfaitement
avec la célébrité, mais il y a quelque chose d'autre qui se passe
avec elle, quelque chose qui n'est pas de ce monde ou même du monde
naturel du tout. Voyez-vous, Maureen est extra sensible à l'activité
paranormale et même si elle gagne sa vie à Paris, elle est très
déterminée à chercher une sorte de signe spirituel de la part de
son frère jumeau, qui est décédé dans la ville. Assayas tisse ces
intrigues très différentes et, récemment, il a pris contact avec
Vulture pour discuter de sa méthode et de la muse qu'il a trouvé en
Stewart, avec qui il a travaillé d'abord sur le très acclamé
Clouds Of Sils Maria.
Journaliste :
Dans la vie réelle, Kristen est une actrice que les maisons de
couture réclament pour habiller, mais il y a cette tension
intéressante lorsqu'elle porte leurs robes coûteuses, parce que
vous savez, il y a une partie d'elle qui préfère porter un sweat à
capuche et des baskets.
Olivier Assayas :
Ouais et vous le voyez. Vous le sentez, vous le ressentez. Le
personnage est inspiré par elle parce qu'elle a cette androgynie, un
côté masculin et féminin et elle est complètement elle-même et à
l'aise des deux côtés. Je pense que c'est une partie de ce qui la
rend assez unique parce que, comme vous le dites, elle est cette muse
de la mode mais elle est également une rebelle. Il y a quelque chose
de réellement rebelle à propos de Kristen. Elle a cette sorte
d'énergie punk rock pour elle.
Journaliste :
Est-ce que vous vous rappelez la première fois que vous avez
rencontré Kristen ?
Olivier Assayas : Je
me souviens très vivement des quelques premières fois que je l'ai
rencontrée. La première fois que je l'ai rencontrée, je suis allée
rendre visite à Robert Pattinson à Londres et ils étaient ensemble
à l'époque. Je me souviens simplement de cette fille qui est
rentrée et sortie de la pièce dans laquelle nous avions une
conversation et je la regardais en me disant, 'Qui
est-ce ?'. Et
puis, elle est était amie avec mon producteur Charles Gillibert qui
a produit Sur La Route,
le film de Walter Salles et je l'ai vue dans des événements
professionnels à Paris. Il est totalement impossible de se connecter
avec des personnes comme elles lors de soirées, mais simplement en
la voyant se déplacer et la façon dont elle fonctionnait, j'ai
pensé qu'elle avait quelque chose qui était simplement si sauvage,
si authentique et si cinématique. J'ai toujours eu le sentiment
qu'il y avait plus chez elle que tout ce que j'avais vu dans les
films. Pour moi, c'est la clé pour vraiment avoir le désir de
travailler avec une actrice. Je ne la connaissais pas, mais je
fantasmais d'elle.
La fois suivante où nous nous
sommes rencontrés, c'était lorsqu'elle avait lu le scénario de
Clouds Of Sils Maria
et elle voulait le faire. Lorsque j'ai écrit Clouds
Of Sils Maria, je l'ai
écrit pour Juliette Binoche et elle avait cette assistante
américaine qui était une jeune fille organisée, vraiment avec la
tête sur les épaules. Cela aurait pu être une autre actrice –
Kristen était certainement la première de ma liste parce que je
pensais qu'elle était une grande actrice et j'étais curieux de
travailler avec elle – mais je crois que j'ai vraiment découvert
Kristen lorsque nous avons fait Clouds
Of Sils Maria. Je me
suis rendu compte que pour chaque minuscule chose que je lui ai donné
à faire, elle a inventé quelque chose : elle le rend
intéressant, elle le rend sexy, elle le rend étrange. Cela a fini
par être un peu frustrant parce que son personnage dans Clouds
Of Sils Maria est
écrit de avec moins de couches que le personnage de Juliette Binoche
et donc la question qui est restée en moi était, 'Que
se serait-il passer si je lui avais donné un rôle plus
important ?'.
Journaliste :
Tous les acteurs ne sont pas les mêmes dans la vie réelle comme ils
apparaissent à l'écran, mais connaître Kristen à travers ses
rôles permet d'obtenir une forte vision de ce qu'elle est
réellement. Elle a un centre très terre à terre, à la fois en
tant que personnage et elle-même.
Olivier Assayas :
Ouais, c'est vrai, mais c'est la vérité à partir d'un certain
point. Je pense que, pour une raison quelconque, beaucoup de gens
avaient une idée très fausse de Kristen comme étant [une personne]
distante et réservée, quand dans la vie réelle, elle est la
personne la plus simple, sympathique, généreuse. Ce pour quoi
j'étais heureux dans Clouds
Of Sils Maria, c'est
que je l'ai un peu encouragée à laisser cette partie amusante
ressortir et Juliette était incroyablement généreuse à ce sujet à
bien des égards. Il y avait quelques scènes dans lesquelles
Juliette disait, 'Vous
savez quoi ? Kristen, Olivier, pourquoi est-ce que l'on ne fait
pas cela plus drôle ? On ne voit pas ces personnages assez
rire'. Je pense que
beaucoup de gens qui aiment Kristen, étaient vraiment heureux de la
voir rire et être drôle dans ces scènes de la même manière
qu'elle peut être drôle dans la vie réelle.
Ce qui a été fascinant en
travaillant avec Kristen, c'est que, d'une certaine façon, c'est
étrangement similaire à la façon dont j'ai fonctionné avec Maggie
Cheung. Comme avec Maggie, j'ai écrit Irma
Vep pour elle, où
elle jouait un archétype, et puis, une fois que j'avais fait cela,
j'ai eu le désir de lui donner un rôle qui avait plus d'épaisseur,
qui était plus comme la Maggie de la vie réelle. Je pense que c'est
un peu similaire avec Kristen où je lui ai donné ce genre de rôle
unidimensionnel dans Clouds
Of Sils Maria et il a
généré le désir d'écrire quelque chose de plus humain, de plus
complexe et de plus proche d'elle à bien des égards avec Personal
Shopper. Mais la chose
est que, même lorsque je faisais Personal
Shopper, j'ai eu le
sentiment que j'étais en train d'expérimenter, en me disant, 'Où
sont les limites ? Jusqu'où peut-elle aller ?'.
La réponse est, 'Je ne
sais pas'. Je n'ai pas
vraiment vu les limites aujourd'hui et donc j'espère que nous allons
avoir l'opportunité de travailler de nouveau ensemble.
Journaliste :
Personal Shopper
est génial, mais il a été hué à Cannes. Pensez-vous que c'est
parce que Kristen et vous veniez juste de sortir de ce grand moment
avec Clouds Of Sils
Maria et la presse
française essayait de réduire la chose ?
Olivier Assayas :
Ouais, vous ne savez jamais. Cannes peut être difficile, donc vous
devez être préparé psychologiquement. Tout peut arriver à Cannes,
surtout avec les films dans lesquels vous prenez des risques. Cannes
n'est pas si risqué, vous savez, et j'aime prendre des risques avec
mes films – je ne vais jamais à l'étape suivante évidente. Je
pense que pour quelconque raison, la tension à Cannes peut être un
peu hystérique, un peu excessif. Les gens réagissent de façon
exagérée. J'ai une longue histoire avec ce festival en particulier
et cela a été très bon pour moi, donc je ne vais jamais dire
quelque chose de mauvais à propos de Cannes, mais Personal
Shopper n'est pas
taillé sur mesure pour Cannes, je vais le dire de cette façon.
Journaliste :
Toutefois, le jury l'a aimé.
Olivier Assayas : Pour quelconque raison, j'ai été plus
surpris pour la réaction à Clouds Of Sils Maria, c'était un
tout petit plus minime que ce que j'aurais imaginé. Le film a eu du
succès partout dans le monde, mais j'ai pensé que la réaction à
Cannes a été plus forte. Je veux dire, en termes d'obtention d'un
prix, j'aurais parié sur Clouds Of Sils Maria par opposition
à Personal Shopper, mais ensuite la chose folle est que nous
avons obtenu un prix pour Personal Shopper.
Journaliste :
Vous étiez censé filmer un film différent juste avant celui-ci et
il a été abandonné juste avant que vous ne commenciez. Je me
demande si vous avez réussi à canaliser ce sentiment d'interruption
dans le personnage de Maureen, qui est bouleversée après que cette
partie importante d'elle, son frère, ait été arrachée.
Olivier Assayas :
Ouais, je suppose que c'est le cas. L'aspect de deuil a peut être à
voir avec cela. C'était une expérience très violente, parce que
cela ne se produit jamais, qu'un film soit abandonné juste avant le
tournage. Les plateaux de tournage étaient construits, les costumes
étaient prêts, les acteurs étaient là, les camions ont été
chargés avec les équipements. Que puis-je dire ? Le film était
littéralement en train de se produire et puis tout d'un coup, le
financier a coupé les vannes … Ce qui est dingue, parce qu'il
avait plus d'argent à perdre en le faisant plutôt qu'en réalisant
réellement le film. Donc, j'étais en état de choc et je suis
revenu à Paris et la question était, 'Qu'est-ce que je vais
faire ? Quel est ma prochaine étape ?'.
Et j'ai décidé que la
seule façon de passer au-dessus était de commencer à partir de
zéro, pas pour essayer de réviser l'autre projet. J'ai toujours
quelques notes gribouillées ici ou là sur des films que j'aimerais
finalement faire, mais ici, je voulais simplement partir de la page
blanche. Oui, ce moment a été défini pour moi par le deuil, mais
je suppose que l'énergie que j'ai trouvé était positive et je me
connecté à Kristen. Et je l'ai très rapidement. Je suis rentré à
Paris en novembre et j'avais un scénario terminé en février et si
j'avais pu le tourner en juin, j'aurais été super heureux, mais
j'ai dû attendre que Kristen ait fini le film de Woody Allen [Café
Society].
Journaliste :
Est-ce que cela vous procure du plaisir de regarder certaines des
scènes les plus tendues du film avec un public, de sentir comment
ils y réagissent ?
Olivier Assayas : Je pense que c'est plus frappent avec
la comédie, en fait. Je ne suis pas exactement un réalisateur de
comédie, mais de temps en temps, je fais un film qui peut avoir des
éléments drôles et c'est vraiment génial d'entendre le public
réagir – les faire rire est passionnant, c'est excitant. Avec des
scènes qui sont effrayantes, vous ne pouvez pas voir le public
réagir si vous n'avez pas exactement un instrument pour le mesurer.
De plus, en ce qui concerne le montage et la réalisation du film,
vous ne réagissez pas de la même façon, n'est-ce pas ? Vous
avez regardé ces prises un million de fois dans la salle de montage
et après un certain temps, vous n'obtenez pas le même frisson. Vous
devez donc imaginer la façon dont le public réagira. C'est une très
bonne question à laquelle il est difficile de répondre.
Journaliste :
Maureen est révulsée par ce monde faux de la célébrité, mais en
même temps, il y a une véritable attrait pour ces vêtements
qu'elle met, presque comme si elle adopte une nouvelle identité.
Avez-vous la même relation d'attirance/de rejet pour la célébrité ?
Olivier
Assayas :
Je suis très ambivalent à propos de beaucoup de choses dans le
monde moderne. Nous vivons dans un monde extrêmement matérialiste
et c'est frustrant, mais en même temps, il y a quelque chose de très
important à ce sujet. Je ne suis pas un puritain en ce sens, pour le
dire ainsi. J'ai placé l'histoire dans le monde de la mode, qui est
comme la version la plus matérielle de tout ce concerne le monde
matériel, mais en même temps, il y a quelque chose d'artistique à
son propos. Ma mère était styliste, donc je suppose qu'à chaque
fois que j'aborde l'industrie de la mode, j'ai cette influence. Le
monde de l'art est le même : nous pouvons être effrayés par
la monde de l'art et la façon dont il est a été gâté par
l'industrie, mais en même temps, nous voyons la beauté de celui-ci.
Nous pouvons être fascinés ou excités par l'art au-delà de ce qui
est très superficiel à ce sujet. Je crois avoir, en ce sens, une
forme d'esprit très dialectique. Je suis toujours intéressé par la
façon dont les contraires se mélangent.
Source: Vulture
Via: TeamKristenSite
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