A l'occasion de la press junket américaine de Personal Shopper, Olivier évoque Kristen, leur collaboration, l'évolution du projet, le tournage ou l'intrigue du film dans une interview avec Dazed.
Traduction faite par le staff de KStew France. Merci de nous créditer avec LIEN si vous la reprenez ailleurs
Journaliste :
Est-ce vrai que vous avez écrit Irma Vep en neuf jours et
vous l'avez tourné en quatre semaines ?
Olivier Assayas :
Oui.
Journaliste :
Avez-vous toujours ce genre de spontanéité ?
Olivier Assayas :
J'écris toujours avec spontanéité, mais le problème est que,
parce que je suis reconnu, mes films sont plus faciles à financer à
grande échelle. Lorsque je faisais Irma Vep, c'était j'avais
un film plus important qui ne se faisait pas. Nous avons tourné Irma
Vep en quatre semaines sans argent parce que, eh bien … [Rires]
… Nous n'avions pas d'argent. Personne n'était prêt à mettre de
l'argent dans ce film. C'était trop bizarre. Les gens riaient à
notre visage. C'était différent de tout ce qui avait été fait
dans le cinéma français.
Même avec Demonlover
quelques années plus tard, je l'ai écrit comme un film
expérimental, et tout d'un coup, nous avons collecté plus de
financement que n'importe lequel de mes autres films. Tout d'un coup,
ce petit film expérimental est devenu quelque chose de plus grand et
de différent.
Journaliste :
Etait-ce la même chose avec l'écriture de Personal Shopper ?
Olivier Assayas :
Je pense que j'ai continué à écrire mes films à la façon Irma
Vep. J'ai écrit Personal Shopper vraiment rapidement. Pas
en neuf jours. Peut être en deux mois, peut être un peu plus. Mais
c'était rapide. J'ai réussi à le faire avec la même énergie.
Nous sommes passés de l'écriture à la préparation du tournage
avec un très petit laps de temps.
Journaliste :
L'avez-vous écrit à l'époque de Clouds Of Sils Maria et
c'est pour cette raison qu'il est revenu à Kristen ?
Olivier Assayas :
En fin de compte, oui, mais je ne l'ai pas comme cela à l'époque.
Après Clouds Of Sils Maria, j'ai eu un autre projet qui était
censé se tourner presque à la suite.
Journaliste :
C'était le film de Robert Pattinson ?
Olivier Assayas :
Ouais, Idol's Eye. Et le film s'est effondré à la dernière
minute – 24 heures avant le tournage, ce qui était un cauchemar.
Je suis donc revenu à Paris et j'ai commencé à travailler sur
autre chose en partant de zéro. Ce qui signifiait utiliser l'énergie
de Clouds Of Sils Maria. Je n'écrivais pas spécifiquement
pour Kristen à l'époque. J'écrivais pour quelqu'un comme
Kristen. Je n'avais aucune idée si elle voudrait faire un autre
film avec moi tout de suite. Je n'avais aucune idée si elle était
disponible. Je ne savais pas si elle serait intéressée par ce genre
de film. Mais ensuite, en regardant en arrière, je ne pense pas que
j'aurais écrit un personnage comme Maureen si je n'avais pas eu
l'expérience de travailler avec Kristen. Elle a inspiré ce
personnage.
Journaliste :
Kristen a dit récemment qu'elle n'est pas une actrice de personnage.
Olivier Assayas :
Non, elle ne l'est pas.
Journaliste :
Pourriez-vous nous en dire plus et ce qui la rend unique en tant
qu’interprète ?
Olivier Assayas :
Kristen est incroyablement authentique. Elle doit trouver la vérité
du personnage elle-même. Elle a du mal à jouer avec quelqu'un qui
est trop éloigné d'elle. Elle a besoin d'avoir un sens de la vérité
vis à vis de ce qu'elle fait et la façon dont elle dit des choses
et la façon dont elle interagit avec les autres personnages. C'est
quelque chose qui ne peut venir que de l'intérieur.
Ce qui est unique à son
sujet, c'est qu'elle est une actrice complètement intuitive. Elle
est tellement à l'écoute de l'ambiance du moment. Elle aime faire
une chose une fois. Lorsqu'elle commence à faire quelque chose pour
la deuxième ou la troisième fois, elle devient instable. C'est
vraiment comme un flash. Elle a également une façon très unique
d'interagir avec la caméra. Elle a une façon d'utiliser son corps –
sa stimulation est unique et son langage corporel est extraordinaire.
Journaliste :
Il y a une interprétation de la part des doigts très accomplie
pendant les séquences de textos, la façon dont ils tremblent de
peur. Ces pouces étaient-ils ceux de Kristen ?
Olivier Assayas :
Ouais, c'était. Elle a dit, 'Mes pouces sont les partenaires de
ce film'.
Journaliste :
Pourquoi ajoute t-elle toujours un espace avant chaque point
d'interrogation ?
Olivier Assayas :
Je ne lui ai pas demandé. C'est la façon dont elle tape. C'est la
façon dont vous le faites en français. Donc je suppose que c'est la
culture française qui a déteint.
Journaliste :
Beaucoup de réalisateurs se plaignent que la commodité des
téléphones portables ruine les intrigues, mais Personal Shopper
les utilise pour créer une nouvelle dimension dramatique.
Olivier Assayas :
Je ne sais pas pourquoi ils ne faciliteraient pas la narration. Ils
font partie de la vraie vie. Vous ne pouvez pas faire des films qui
sont détachés de la vraie vie. Peut être est-ce inquiétant pour
un réalisateur plus âgé qui est attaché à une vision du monde
plus ancienne. Oui, l'utilisation des téléphones portables a
déformé cette vision du monde. Mais ils font néanmoins partie de
notre vie. C'est comme dire que c'était plus excitant lorsqu'il y
avait des calèches, par opposition aux voitures. C'est la façon
dont le monde change. Les téléphones portables ne simplifient pas
le monde. Ils le compliquent. Si vous les gérez, vous traitez avec
ce réseau qui ne nous entourait pas auparavant.
Journaliste :
Est-ce pour cela que vous oscillez entre les films d'époque et les
films modernes ? Dans Clouds Of Sils Maria,
il y a aussi énormément d'anxiété vis à vis de la technologie.
Olivier Assayas :
Ouais. Après avoir fait deux films d'époque – sous entendu Carlos
et Something In The Air – j'avais besoin de retourner
dans le monde moderne. Mais Clouds Of Sils Maria était à
mi-chemin. C'est dans cette chaîne de temps abstraite. Alors que
Personal Shopper se site
aujourd'hui et qu'il est défini par les outils que nous utilisons
pour communiquer et travailler. Ils sont une extension de nous-mêmes
et cela définit les personnages modernes.
Journaliste :
Pourquoi Personal Shopper se déroule t-il dans
le monde de la mode ?
Olivier Assayas :
Pour deux raisons – et ce sont des raisons contradictoires. L'une
des raisons est que je voulais que Maureen ait … Pas exactement un
travail stupide, mais un travail très banal ; un travail
frustrant qui ait un rapport avec la surface. Le monde de la mode a
un rapport avec la surface et cela n'est même pas sa surface ;
c'est la surface de sa patronne. Elle n'aime pas son boulot, mais
elle a besoin de le faire pour gagner sa vie. Elle trouve le
réconfort et le confort dans son propre monde rêvé, dans son
imagination, dans ses idées et dans son art – comme nous le
faisons tous.
Mais ce qui la rend
ambivalente, c'est qu'il y a également de l'art dans l'industrie de
la mode. Elle l'attire, comme un aimant, parce qu'elle fait aussi
partie de sa propre conversation intérieure ; elle questionne
sa féminité et sa féminité est liée à son attrait pour la mode.
Journaliste :
Dans les crédits, vous remerciez Thomas Bangalter de Daft Punk. Quel
rôle a t-il joué dans le film ?
Olivier Assayas :
Thomas est un ami. À un moment donné, je lui ai demandé de faire
la bande originale du film. Nous avons eu de longues discussions à
propos du film. Il a été l'un des premiers spectateurs de la toute
première version et il a fait quelques suggestions que j'ai utilisé.
Journaliste :
Oh vraiment ? En dehors de Sonic Youth dans
Demonlover, vous n'avez pas utilisé de bande originale
depuis le début des années 90. Qu'est-ce qui vous a fait changer
d'avis avec Personal Shopper ?
Olivier Assayas :
Pour des mauvaises raisons. La chose c'est, j'aime le travail que
Thomas a fait avec Gaspar Noé. Les bandes originales de films qu'il
a faites sont vraiment brillantes et c'est un type très intelligent,
talentueux. Et parce qu'il doit y avoir des éléments du genre, j'ai
pensé que ce serait intéressant d'avoir au moins un dialogue avec
lui à ce sujet. Je lui ai montré le film et j'étais assez sûr de
mes choix musicaux. Il était d'accord avec moi. Il a aimé ce que
nous faisions.
Journaliste :
Vous avez mentionné 'la légèreté de la caméra' comme
quelque chose d'important que vous avez découvert dans Cold
Water. Pouvez-vous expliquez cette philosophie en ce qui
concerne Personal Shopper ?
Olivier Assayas :
Avec la 'légèreté de la caméra', c'est la 'légèreté' en
général, je dirais. Ce avec quoi j'ai toujours lutté, c'est le
poids du cinéma. Le cinéma compte trop de gens et trop
d'équipements lourds. Idéalement, le cinéma devrait être fa it
dans des conditions aussi légères que lorsque les peintres
impressionnistes peignaient à l'extérieur.
Vous devez oublier le
poids du cinéma. Chaque fois que je le peux, je veux le moins de
personnes possibles sur le plateau du tournage. J'ai besoin d'avoir
un sens de la liberté. Je n'aime pas répéter. J'aime entrer
directement dans une scène et dans l'action de création d'une
prise. C'est pour moi mais aussi pour les acteurs. C'est de cette
manière qu'ils se concentrent. S'ils ressentent le poids du cinéma,
ils ont une approche différente de l'action.
Journaliste :
De quelle manière Kristen réagit-elle à la légèreté ?
Olivier Assayas :
Je pense que cela a créé un nouvel espace pour elle. Je pense
qu'elle a adoré cela et c'est la raison pour laquelle nous avons
travaillé ensemble. Elle a réalisé, lorsque nous tournions Clouds
Of Sils Maria, que cela lui ouvrait un nouvel espace. La raison
pour laquelle elle était impatiente de travailler de nouveau avec
moi était qu'elle savait qu'elle pourrait aller encore plus loin
dans le processus. C'est complètement différent de ce qu'elle a
fait aux Etats Unis. Certains acteurs ont besoin du cadre, mais
d'autres acteurs sont créatifs et ils ont besoin d'espace pour se
développer. Et elle a été en expansion.
Source: Dazed
Via: TeamKristenSite
Via: TeamKristenSite
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