samedi 25 mai 2019

JT Leroy : Interview de Kristen, Laura Dern, Justin Kelly & Savannah Knoop avec LA Weekly

A l'occasion de la press junket américaine de J.T. LeRoy à Los Angeles, Kristen, Laura Dern, Justin Kelly et Savannah Knoop parlent du film, des personnages et de leurs liens, de l'histoire ou encore des réseaux sociaux dans une interview avec LA Weekly. 




Traduction faite par le staff de KStew France. Merci de nous créditer avec LIEN si vous la reprenez ailleurs

Plus étrange que fiction

Laura Dern et Kristen Stewart portent le mensonge existentiel sur grand écran.

Certains l'ont qualifié de canular horrible, d'autres d'escroquerie scandaleuse, mais les motivations qui sous tendent l'histoire de JT LeRoy – personnalité littéraire populaire de la fin des années 90 révélée inexistante – n'ont jamais été assez claires pour décrire ces douteux épithètes. Il se peut que nous ne sachions jamais exactement la raison pour laquelle l'écrivain Laura Albert a inventé la personnalité. S'agissait-il d'un plan calculé pour duper les gens pour le plaisir ou pour la gloire qu'elle ne réalisait jamais seule ou une tentative folle de génie pour donner corps à la protagoniste/auteure torturée qui lui a apporté une écriture à la fois sombre et poétique et douloureusement personnelle littéralement à la vie ? Son récit en tant que JT LeRoy a exploré le sans abrisme, le commerce du sexe, la maltraitance d'enfants, la dépendance à l'héroïne et la vie avec le VIH et son style était précurseur de la prose crue et centrée sur la victime, désormais de rigueur dans les essais personnels et les autobiographies. Mais à l'époque, personne n'aurait pu prédire à quel point l'idée de LeRoy (JT signifie 'Jeremiah Terminator') résonnerait chez les lecteurs, ni comment le mensonge pourrait faire effet boule de neige à de telles hauteurs wahroliennes.

Dans le nouveau film de Justin Kelly nommé d'après l'auteur de fiction, l'histoire est racontée du point de vue de la personne qui a aidé Albert à réussir la ruse, la sœur de son petit ami, Savannah Knoop. Knoop (qui s'identifie comme fluide sexuellement, nous allons donc utiliser les pronoms non binaires 'ils' et 'eux' en référence) était une jeune femme qui essayait encore de comprendre qui ils étaient quand Albert les mettait sous les projecteurs, les affublant de perruques, lunettes de soleil et masques pour jouer LeRoy lors de soirées et de séances photo, à San Francisco où ils étaient basés, puis à Los Angeles et dans le monde entier.

Il y a beaucoup de méta couches qui peuvent être un peu compliquées ici, alors apportons-nous votre soutien. Kristen Stewart joue Knoop, délivrant une performance discrète qui exprime doucement mais puissamment l'identité de Knoop qui est en train de se former. Dans le livre Girl Boy Girl : How I Became JT LeRoy, sur lequel est basé le film, il est expliqué qu'en prétendant être quelqu'un qui n'existait pas – l'auteure bisexuelle, transsexuelle biologiquement – cette jeune fille bisexuelle biologiquement a commencé à découvrir qui il étaient vraiment, ce qu'elles ont fini par appeler le genre non conforme. Knoop et Kelly ont écrit le scénario, qui offre une vision beaucoup plus équilibrée de la progression du tristement célèbre mensonge par rapport au documentaire le plus connu sur le sujet, Author : The JT LeRoy Story par Jeff Feuerzeig sorti en 2016, qui est essentiellement l'histoire d'Albert. Un autre documentaire, The Cult of JT LeRoy par Marjorie Sturm sorti en 2014, a adopté une approche plus journalistique de l'histoire controversée.

Dans le film de Kelly, Albert est jouée par Laura Dern avec un zèle étonnant et digne d'un prix, traduisant les tendances sociopathiques et une nature compulsive qui sonne vraie et vulnérable même si cela passe dans une ville folle. Il est difficile de ne pas se rappeler certains des rôles les plus emblématiques de Dern, notamment le film Wild At Heart de David Lynch, dans lequel l'actrice s'est révélée tout aussi puissante, étrange et aux multiples facettes. Bien que les premières critiques du film de Kelly semblent le voir comme vilainisant Albert, ce n'est pas vraiment le cas. Les raisonnements d'Albert sur son mensonge initial, qui engendre bien sûr d'autres mensonges qui durent six années entières, ont un sens la plupart du temps, même si elle embellit certains éléments apparemment pour l'enfer. Elle a également créé une autre personnalité à jouer – l'agent britannique de LeRoy, Speedie, qui parle pour la star littéraire afin que Knoop ne soit pas obligée de le faire lorsqu'ils sont en société. Speedie a aidé Albert à garder le contrôle de sa création, qui visiblement était un peu moins sienne une fois incarnée par une autre. Le second alter ego donne à Dern un moyen de conjurer le désespoir derrière l'apparence, ajoutant des nuances loufoques à la personnalité d'Albert. En regardant le film, il faut se rappeler que oui, tout cela est vraiment arrivé. Ils disent que la vérité est plus étrange que la fiction, mais dans ce cas, la 'fiction' était la vérité, et oui, c'est l'une de ces histoires que vous ne pouvez pas inventer, c'est la raison pour laquelle elle fascine même ceux qui n'ont jamais entendu parler de LeRoy, avant que le canular ne soit révélé via un article exhaustif du New York Magazine.

Lors de la journée presse de JT LeRoy à West Hollywood, Dern et Stewart ont fait des interviews ensemble pour expliquer leur attrait pour l'histoire et leurs rôles respectifs. Ni l'une ni l'autre n'avaient lu les œuvres de LeRoy, ni n'étaient très au courant du scandale au moment où il a éclaté. Les deux ont précisé que le scénario était ce qui les avait attiré dans le projet.

'En plongeant dans cette histoire, nous avions une profonde empathie non seulement pour Savannah, ce qui était franchement facile, mais également pour Laura', explique Dern. 'Pour vraiment comprendre la raison pour laquelle elle avait le sentiment qu'elle devait le faire de cette façon … Parce qu'elle est clairement un excellent écrivain. Donc, si vous aimez l'écriture, honorez l'artiste. Mais je pense que c'est dans la découverte de la raison pour laquelle nous pensons quand même qu'elle avait besoin d'un autel ou d'un avatar comme elle l'appelait, ce qui nous a vraiment ouvert le cœur'.

'Notre tentative de raconter cette histoire ne pouvait qu'être, citation non équivoque, vraie car la perception est une chose tellement subjective', ajoute Stewart. 'J'ai toujours eu le sentiment que le point de vue de Savannah au sujet de Laura était vraiment éclairant pour un étranger, très tendre et admiratif ; toujours désireux de le ramener aux livres et quel brillant écrivain elle était, à quel point elle travaillait durement, à quel point elle souffrait, la façon dont elle a traduit cela, la façon dont ils ont partagé beaucoup de souffrances similaires, tout ça. Même si la relation est devenue dominante et est devenue codépendante et dysfonctionnelle de diverses manières, il n'y a jamais eu de dédain ni genre de la haine restante'.

En parlant avec Knoop, aux côtés de Kelly, lors de la même conférence de presse, il est clair que Stewart a vraiment appris à connaître la personne avec laquelle elle a joué. Knoop dégage un enthousiasme aimable qui donne une impression – ironiquement – d'être extrêmement réel et d'être soi-même. L'écrivain admet au départ des réserves en ce qui concerne le fait de raconter son côté de l'histoire de manière cinématographique, mais la confiance, le temps et la vérité ont finalement contribué à son succès. Une partie du confort évident vient du fait que Kelly et Knoop se connaissent depuis onze ans, se rencontrant alors qu'ils vivaient tous les deux à San Francisco. Kelly est né à Los Angeles (il a grandi à Santa Clarita) et il s'est fait un nom en tant que producteur de courts métrages et protégé de Gus Van Sant, qui était l'un des amis célèbres et fan de LeRoy. Trois des longs métrages précédents de Kelly étaient basés sur des histoires vraies controversées, celui-ci n'est donc pas un territoire inconnu.

'Cela s'est fait de manière très organique en construisant une sorte d'amitié', dit Knoop. 'Je pense probablement aussi en construisant la confiance'.

Kelly a lu le livre de Knoop (qui a été publié environ deux ans après le scandale de 2006) et il a été captivé. L'élève d'école de cinéma de San Francisco avait suivi la carrière de la célébrité locale, JT, avant même que son identité ne soit révélée, et très tôt, dans l'amitié avec Knoop, il a évoqué l'idée de la co écriture du film ensemble. Près de dix ans plus tard, le projet s'est concrétisé avec l'actrice qu'ils avaient imaginé à l'époque, dans le rôle d'Albert (Dern) et sans doute l'une des jeunes actrices les plus 'hot' d'Hollywood (Stewart), cette dernière se révélant tout aussi juste pour le rôle pour un certain nombre de raisons, y compris sa compréhension de ce que c'est que de grandir sous les projecteurs, la façon dont une célébrité majeure peut mener à l'adoration ainsi qu'à l'antipathie (grâce au phénomène Twilight) et à son exploration honnête de sa propre sexualité (elle s'identifie comme bisexuelle).

Dans le film, qui commence après le premier livre de LeRoy, Sarah, est déjà un best seller du New York Times, la manipulation de Dern est la force motrice de l'histoire, mais elle suggère également que la représentation de l'écrivain en chair par Knoop est ce qui a pris le pas sur ce qui a amené le mystique à un niveau de culte. Quoi qu'il en soit, la décision d'Albert de faire jouer une femme biologique son 'bébé' était un choix audacieux. Clairement, elle a vu quelque chose en Savannah au-delà d'une jeune fille androgyne, et elle le dit à quelques reprises dans le film – JT LeRoy a été ramené à la vie non par l'une d'elles, mais par les deux.

Kelly et Knoop admettent qu'ils n'ont pas consulté Albert pour leur version de l'histoire, même si Knoop dit qu'ils ont parlé avec l'écrivain (qui ne fréquente plus le frère de Knoop) avant d'écrire le livre sur lequel elle se base. Les mémoires viennent d'être rééditées avec la promotion du film, avec Dern et Stewart sur la couverture.

'Nous évoluons dans la dynamique de pouvoir très complexe du personnage de Savannah et du personnage de Laura', a déclaré Knoop. 'Nous entrons dans le vif du sujet et je pense que certaines personnes s'attendent à ce que ce soit un combat entre chats, qui gagne et qui perd, mais en réalité ce n'est ni l'un ni l'autre'.

Certains pourraient dire que ceux qui ont défendu LeRoy ont perdu un peu, du moins en termes de réputation. Tout le monde, de Tom Waits à Billy Corgan, en passant par Courtney Love (qui fait un clin d’œil cinglant dans le film sous le pseudonyme d'Hollywood) tombe dans le piège de LeRoy, le plus grand (probablement) étant Asia Argento, qui a choisi The Heart Is Deceitful Above Above All Things de LeRoy et en a fait un film. Selon la rumeur, elle aurait eu une relation avec LeRoy ou plutôt Knoop en tant que LeRoy. Diane Kruger joue le personnage d'Argento dans le film. Il y a une scène où Stewart lui donne du plaisir sexuellement (une rencontre qui les voit rester vêtues et donc laisse le genre caché de façon réaliste).

Bien sûr, cette partie de l'histoire est devenue plus compliquée (comme si l'histoire ne l'était pas déjà), plus étrange – et plus sombre – vu la tournure des événements récente. Peu de temps après le décès de son petit ami Anthony Bourdain, Argento, militante et porte voix du mouvement #MeToo, a été accusée d'avoir profité de la jeune partenaire et vedette masculine (qui jouait son fils dans The Heart Is Deceitful) et de l'avoir payé pour garder le silence.

Kelly affirme que le scandale d'Argento n'a rien à voir avec son film – et cela ne l'est pas littéralement – mais Knoop adopte une approche plus ésotérique du personnage de Kruger (dont nous devions nous souvenir – ils peuvent ou non avoir eu une relation réelle).

'C'est en fait un peu au cœur de l'histoire', dit Knoop. 'La relation interpersonnelle émotionnelle entre ces personnages. Nous avons pensé qu'il était important d'avoir un personnage où vous entrez dans le monde de JT, vous avez le sentiment de vous connecter et de vibrer avec quelqu'un , mais le font-ils avec vous ?. Cela nous amène à la base de ce genre d'intimité et à l'étrange impression de ne pas savoir si vous êtes une projection de quelqu'un ou si vous vous entendez et vous vous voyez. Bien que ce soit un monde compartimenté fictif, cela concerne tout le monde'.

Malgré son indignation, l'histoire de JT LeRoy évoque des sentiments et des idées que nous pouvons tous comprendre – pas seulement l'identité de genre, mais l'identité en général, ainsi que la prétention de la célébrité et la mentalité de foule qui semble diriger les réseaux sociaux et la culture pop de nos jours. Peut être plus important encore, il illustre à quel point les dommages et la lutte inspirent l'art et la raison pour laquelle nous sommes si passionnément en contact avec lui, même lorsque nous ne le comprenons pas bien. Albert a créé LeRoy lorsqu'elle était suicidaire, appelant les hotlines comme le personnage masculin qu'elle a inventé. Désespérée et désireuse d'une connexion, elle avait trop honte pour avoir le sentiment qu'elle méritait de l'aide.

Stewart suggère que les fans qui ressentent de la colère en apprenant que tout est faux prennent une perspective différente de l'histoire, essayant de comprendre, que bien que la personne n'était peut être pas réelle, les émotions l'étaient. 'Ces sentiments venaient du même endroit où nous les avons tous ressentis', dit-elle. 'Si vous êtes réellement capable de sortir et de constater que nous avons tous vécu des moments difficiles, vous réalisez que tout vient de la douleur'.

'C'est la raison pour laquelle nous sommes ici', ajoute Dern, dont les couches évoquent des sentiments mitigés dans JT LeRoy. 'Nous ne nous sommes pas engagées pour cela parce que nous voulions dévoiler le canular ; c'est déjà fait. Et nous ne nous sommes pas engagées pour dire, 'Vous avez tort, vous êtes fous de vous sentir blessé par cette supercherie'. Nous avons cherché à examiner la question de savoir pourquoi tant de gens ne peuvent pas identifier qui ils sont. Pour ces deux personnages à cette époque de leur vie, il leur était impossible de simplement rester dans leur peau. C'est fascinant'.

Kelly acquiesce. 'Pour ce qui est de la manière dont nous contrôlons tous la façon dont nous voulons être perçu, de la photo de profil Facebook à ce que nous publions sur Instagram, en passant par la réalité, c'est comme si nous étions tous en train de préparer nos vies. C'est une histoire sauvage, mais c'est quelque chose où l'on peut fortement s'identifier'.


Source: LAWeekly
Scans: @Korita05



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