A l'occasion de la press junket de Personal Shopper lors du Festival de Cannes 2016, le réalisateur français Olivier Assayas revient sur le tournage, sa collaboration et sa relation avec Kristen et le Festival avec Le Point.
Olivier Assayas : 'Kristen Stewart m'a inspiré Personal Shopper'
Le réalisateur français a permis à l'actrice d'achever sa mue post-Twilight avec ce deuxième film qu'ils ont présenté ensemble au Festival de Cannes.
Si les délires fantomatiques d'Olivier Assayas dans Personal Shopper n'ont pas franchement emballé la Croisette, Kristen Stewart, elle, est passée au travers des mailles de la critique. Il faut dire que la jeune actrice américaine porte seule sur ses épaules le long-métrage présenté en compétition au Festival de Cannes. Elle a su rendre attrayant un scénario un peu trop lisse. Le cinéaste le reconnaît : Kristen Stewart est quelqu'un de 'complètement à part'. Confessions.
Le Point Pop : Vous ne connaissiez pas bien Kristen Stewart quand elle s'est rapprochée de vous pour Sils Maria. Vous n'aviez pas vu les Twilight ...
Olivier Assayas : Je n'avais pas vu tous les Twilight, toujours pas d'ailleurs. Mais ceux que j'ai vus m'ont plu. Je ne suis pas le cœur de cible de ces films-là, mais quand même : ils ont au moins une grande qualité du point de vue de leurs interprètes et une forme de poésie adolescente à laquelle je peux être facilement sensible. Quant à Kristen, j'ai le sentiment depuis le départ de voir en elle plus qu'une comédienne talentueuse, quelqu'un d'assez unique. Elle est, à mon avis, complètement à part et a une liberté, une invention, une capacité à se déployer extraordinaires. Dès que j'ai commencé à travailler avec elle, j'ai senti que j'avais beaucoup de chance d'avoir cette comédienne au service de mon texte. Donc c'est vrai que ça m'a donné envie de prolonger, de développer cette relation.
Le Point Pop : D'où l'idée de Personal Shopper ?
Olivier Assayas : Je pense que le personnage a été en partie inspiré par elle. Au moment d'écrire, je ne le pensais sans doute pas exactement comme ça, mais, enfin, c'est vrai que j'ai écrit ce film au sortir de l'expérience Sils Maria et qu'il y a quelque chose de l'observation de Kristen qui a fait son chemin dans mon écriture. Peut-être en étais-je en partie conscient, mais je n'étais pas sûr que ce soit bien de retravailler tout de suite ensemble, je ne savais pas si elle-même aurait envie d'aller vers un personnage qui, d'une certaine façon, serait un peu le prolongement de son personnage dans Sils Maria. Je lui en ai jamais parlé et j'ai l'impression que ça m'aurait freiné si je m'étais dit : 'J'écris sur mesure pour Kristen'. Mais je pense qu'elle était là d'emblée et que ce film aurait été au fond inimaginable sans elle.
Le Point P : Que cherchez-vous à montrer avec cette histoire de fantômes dans le milieu de la mode ?
Olivier Assayas : Sils Maria parlait du passage du temps, de l'âge, en confrontant trois générations de femmes. Là, ce dont j'avais envie de parler – et je crois que c'est ce qui a intéressé Kristen dans le personnage –, c'était de ce tiraillement que l'on ressent tous entre le matérialisme du monde contemporain, subi au centuple quand on est une star comme Kristen, et la dimension intime propre à chaque individu, hanté par ses rêves, ses fantasmes, ses inquiétudes et, globalement, par une forme d'invisible.
Le Point P : Kristen Stewart nous a confié avoir été très déstabilisée par votre façon de travailler au départ ...
Olivier Assayas : Souvent les acteurs américains ont l'habitude qu'on les prenne par la main. Ils sont un peu infantilisés, on leur dit : 'Fais comme ci, comme ça ; je vais jouer à ta place pour te montrer comment il faut faire'. Moi, je ne dirige pas les comédiens, je suis à leur écoute. J'ai besoin d'être le premier spectateur. J'ai toujours peur que si on utilise trop de mots, on simplifie les choses, on réduise le champ des possibilités et même l'éventualité d'être surpris. J'ai l'impression que ce qu'il y a de mieux dans le cinéma, c'est quand les acteurs me surprennent. J'ai tendance à créer les conditions de la concentration des comédiens, je leur donne l'espace où ils peuvent aller jusqu'au bout de la façon dont ils perçoivent la scène et j'essaye de canaliser ces énergies au service du récit que j'ai écrit. J'ai besoin que ça se passe en effet de façon, sinon muette, du moins sans avoir besoin de formuler les choses de façon très explicite. J'ai l'impression que l'explicite tue l'art.
Sur le tournage, ça peut être quelquefois frustrant pour les acteurs, mais au final je pense qu'ils sont contents parce qu'ils se rendent compte que j'arrive à canaliser les choses d'une façon à laquelle ils peuvent être plus sensibles à la fin. C'est vrai qu'au départ, quand on a commencé sur Sils Maria, Kristen attendait sans doute autre chose. Mais quand tout à coup elle a compris à travers ce film que ce que je lui donnais, c'est un espace de liberté qu'elle n'avait jamais eu, jamais connu dans ses autres films, elle s'est intéressée à cette méthode de travail. Et du coup, quand on a fait Personal Shopper, les choses allaient de soi, on avait construit une manière de collaborer, de communiquer, qui nous permet d'être très confiants mutuellement.
Olivier Assayas : Souvent les acteurs américains ont l'habitude qu'on les prenne par la main. Ils sont un peu infantilisés, on leur dit : 'Fais comme ci, comme ça ; je vais jouer à ta place pour te montrer comment il faut faire'. Moi, je ne dirige pas les comédiens, je suis à leur écoute. J'ai besoin d'être le premier spectateur. J'ai toujours peur que si on utilise trop de mots, on simplifie les choses, on réduise le champ des possibilités et même l'éventualité d'être surpris. J'ai l'impression que ce qu'il y a de mieux dans le cinéma, c'est quand les acteurs me surprennent. J'ai tendance à créer les conditions de la concentration des comédiens, je leur donne l'espace où ils peuvent aller jusqu'au bout de la façon dont ils perçoivent la scène et j'essaye de canaliser ces énergies au service du récit que j'ai écrit. J'ai besoin que ça se passe en effet de façon, sinon muette, du moins sans avoir besoin de formuler les choses de façon très explicite. J'ai l'impression que l'explicite tue l'art.
Sur le tournage, ça peut être quelquefois frustrant pour les acteurs, mais au final je pense qu'ils sont contents parce qu'ils se rendent compte que j'arrive à canaliser les choses d'une façon à laquelle ils peuvent être plus sensibles à la fin. C'est vrai qu'au départ, quand on a commencé sur Sils Maria, Kristen attendait sans doute autre chose. Mais quand tout à coup elle a compris à travers ce film que ce que je lui donnais, c'est un espace de liberté qu'elle n'avait jamais eu, jamais connu dans ses autres films, elle s'est intéressée à cette méthode de travail. Et du coup, quand on a fait Personal Shopper, les choses allaient de soi, on avait construit une manière de collaborer, de communiquer, qui nous permet d'être très confiants mutuellement.
Le Point P : Vous avez été surpris qu'elle soit césarisée pour Sils Maria ?
Olivier Assayas : [Rires] Oui, honnêtement, je m'étais dit que jamais il n'y aurait de César pour une actrice américaine, ça me semblait complètement baroque comme hypothèse. J'étais ravi parce que je crois que ça représentait beaucoup pour elle d'être reconnue artistiquement en France, le pays du cinéma d'auteur vers lequel elle tend.
Le Point P : Grâce à vous, elle a définitivement achevé sa mue post-Twilight ...
Olivier Assayas : Dans ce type de relations, il faut que ce soit le bon moment pour l'un et pour l'autre. Et ça a été le cas pour nous. Moi, ça m'a permis de construire une relation intime avec une comédienne américaine, ce qui m'ouvre une porte dans le cinéma, dans ma manière de tourner, de penser même les scénarios. Et effectivement, elle, je lui ai donné la possibilité d'être elle-même au cinéma, en se libérant peut-être un tout petit peu, disons d'une sorte d'ancienne peau qui est celle qui se serait construite à travers son personnage de Twilight.
Le Point P : C'est la deuxième fois que vous venez en compétition à Cannes. Moins intimidé ?
Olivier Assayas : Posez la question à n'importe quel cinéaste, il vous répondra la même chose : non, il y a zéro confiance. C'est le paradoxe de Cannes, à la fois tout le monde a envie d'y aller et tout le monde est terrorisé d'y aller. Plus on a l'habitude de Cannes, plus on a l'expérience, plus on sait à quel point c'est terrible ! Au début, il y a une forme d'inconscience et, après, quand on comprend, on se rend compte de tout et c'est encore plus intimidant.
Source: LePoint
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